Le MAFED, parti politique des indésirables ?

Article sur le MAFED – manifestation prévue le samedi 31 Octobre au départ de Barbès à 14H00 –

En 1983, trois hommes, Toumi Djaïdja, le père Christian Delorme et le pasteur Costil, entreprirent de traverser la France pour l’égalité et contre le racisme. Même si l’initiative de l’époque n’avait  pas suscité la réaction politique attendue, elle a laissé des traces dans l’histoire des enfants d’immigrés français. Trente-deux ans après, des femmes regroupées en collectif organisent un grand rassemblement pour à nouveau exiger le respect et la dignité.

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« Il s’agit de nous réinscrire dans l’histoire des luttes de l’immigration » explique Sihame Assabague, membre du collectif de la marche des femmes pour la dignité (MAFED). A Saint-Denis, en ouverture du meeting destiné à mobiliser pour le rassemblement du 31 octobre, Sihame évoque les victoires obtenues grâce aux luttes contre les discriminations d’état. « N’oublions pas le travail du MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues) contre la double peine » rappelle-t-elle « ou la condamnation récente de la SNCF » voir cet article du MONDE.

Réuni un vendredi soir à la Bourse du Travail, quelques trois cents personnes sont venues écouter les discours des chercheurs, universitaires, écrivains, avocats et autres militants qui soutiennent le collectif, tous animés par la même soif de justice.

Le MAFED s’est constitué à l’initiative d’Amal Bentounsi, du collectif Urgence notre police assassine. Cette mère de famille dont le frère est tombé sous les balles des forces de l’ordre, désirait organiser une manifestation en mémoire de Zyed et Bouna et des autres. Très vite, l’idée  fait son chemin au sein d’un réseau militant de plus en plus dynamique. Ce sera également l’occasion de se souvenir des révoltes de 2005 qui ont embrasé la France durant trois semaines.

C’est ainsi que le MAFED prend forme, réunissant aujourd’hui près de 60 femmes qui portent le rassemblement du 31 octobre. Elles défileront de Barbès à Bastille, contre le racisme d’État. Celui qui permet aux policiers de tuer en toute impunité. « Le crime policier n’est jamais fortuit » écrit le collectif dans son appel pour la marche que la Scred n’a pas manqué de signer. « Il est l’aboutissement de toute la logique d’un État qui n’a pour nous que désintérêt et mépris ».

Le MAFED est exclusivement constitué de femmes noires, arabes, musulmanes, roms. Des femmes ayant subi directement ou indirectement le racisme. L’artiste Casey, la magistrate d’origine rom Anina Ciu Ciu ou encore la militante féministe Hanane Karimi soutiennent ainsi l’ensemble des luttes contre les discriminations liées à l’origine, à la religion, au handicap ou encore à l’orientation sexuelle. « Mais l’indépendance à un prix » rappelle Sihame Assbague. Celle qui est également membre du collectif Stop le contrôle au Faciès incite à faire des dons au MAFED, pour financer le voyage des familles des victimes qui défileront à Paris ce dimanche.

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A l’heure où l’arrivée des réfugiés en Europe libère encore un peu plus la parole raciste, le MAFED invite les citoyens à donner leur définition de la dignité sur les réseaux sociaux.  « Nous sommes dans une normalisation de la parole raciste », explique Maboula Soumahoro, maître de conférence à Tours et spécialiste de la diaspora africaine aux Etats-Unis. « Quand le journal Le Monde parle  d’islamo-délinquance et quand le Premier ministre affirme que les Roms ont vocation à rentrer en Roumanie, c’est le seul constat possible », insiste-elle.

« Nous sommes dans une normalisation de la parole raciste » – Maboula Soumahoro

Le mouvement tombe à pic puisque Manuel Valls a décidé d’aller jusqu’à la Cour de cassation pour annuler la décision de justice qui jugeait l’Etat coupable de contrôle d’identité « non justifiés » et « discriminatoires »  sur cinq personnes.  Une condamnation historique mais visiblement difficile à digérer.

Un rassemblement qui se retrouve également conforté par les résultats du rapport de l’Institut Montaigne sur les discriminations religieuses à l’embauche. Dans un pays où l’on considère que « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » » (Sarkozy discours de Dakar en 2007),  que « quand il y en a un (Arabe) ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » (Hortefeux en 2009), « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… » (Jean-Paul Guerlain en 2012) « que toutes les civilisations ne se valent pas » (Claude Guéant en 2012), « que les pompiers sont arrivés trop tôt » pour sauver les Roms (Luc Jousse en 2014) ou encore que « les émeutiers d’hier sont les terroristes d’aujourd’hui » (Malek Boutih cette semaine), le collectif MAFED et tous les « indésirables » de France entendent marcher dimanche, mais pour la dernière fois. Rendez-vous à Barbès à 14H00!

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